Particuliers

Par Me Antoine LE GENTIL
15 Mars 2019

On vous reproche d’avoir commis un délit

On vous reproche d’avoir commis un délit et vous allez devoir comparaître devant le Tribunal Correctionnel ? Voici quelques recommandations qu’on vous suggèrera de suivre.

Sachez tout d’abord que l’assistance de l’Avocat n’est pas obligatoire, sauf si vous faites l’objet d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) dite « plaider coupable » qui est réservée à celui qui ne conteste pas l’infraction qui lui est reprochée.

Mais se faire accompagner par un Avocat dans ce qui peut représenter pour beaucoup une épreuve est évidemment une première recommandation, car ce professionnel du Droit et de la procédure vous permettra de la traverser et d’être informé de bout en bout.

L’Avocat vous écoutera, évaluera les risques, vérifiera la régularité de la procédure, vous conseillera, vous accompagnera et le jour de l’audience, défendra vos intérêts et sera le contrepoids de l’action publique, c’est-à-dire du Procureur de la République qui est la partie poursuivante, et éventuellement de la partie civile, c’est-à-dire celle qui demande au Tribunal de reconnaître sa qualité de victime de la faute qu’on vous impute et qui peut réclamer une indemnisation.

L’Avocat vous conseillera ensuite, une fois le jugement rendu, sur ses tenants et aboutissants, sur les voies de recours en cas de condamnation ainsi que sur les chances de réformation en cas d’appel ou sur les suites de la condamnation.

Vous pourrez librement choisir votre Avocat et dans ce cas, faites-le sans attendre et dès la réception de votre convocation, ou vous pourrez vous en faire désigner un d’office et les frais seront à votre charge sauf si vous remplissez les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, ce qu’il vérifiera.

Si vous décidez néanmoins de ne pas vous faire assister d’un Avocat, sachez qu’il pourra vous en être imposé un si le Tribunal estime que vous êtes « atteint d’une infirmité de nature à compromettre [votre] défense » ou si vous êtes sous mesure de protection (tutelle, curatelle).

Sachez également que l’audience devant un Tribunal Correctionnel répond à des règles tout à fait précises qui sont strictement définies par le Code de procédure pénale.

Avant tout, il faut savoir que la loi vous autorise à consulter le dossier de la procédure au greffe du Tribunal dans les 2 mois de la notification de la convocation et qu’à votre demande, vous pouvez vous faire gratuitement délivrer une copie des pièces du dossier ; lorsque le délai entre la convocation que vous avez reçue et l’audience est inférieur à 2 mois et que vous n’avez pas pu obtenir avant celle-ci la copie du dossier demandé, le Tribunal est tenu d’ordonner, si vous le réclamez, le renvoi de l’affaire à une autre date.

Le jour de votre comparution, il sera possible que l’audience soit chargée de plusieurs dossiers et vous devrez peut-être faire preuve de patience mais surtout, ne quittez pas l’audience avant que votre affaire soit appelée car elle sera évoquée malgré tout et le jugement sera considéré comme contradictoire, ce qui aura des conséquences pour les délais d’appel.

Sachez que l’audience est publique et donc accessible à tous, sauf si le Tribunal vient ordonner le « huis clos » pour des raisons de sécurité, de sérénité des débats, de dignité de la personne ou pour préserver les intérêts d’un tiers ; en cas de huis clos, les débats ne seront pas publics mais le jugement sera prononcé publiquement.

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Lorsque votre affaire sera appelée, vous serez amené à vous présenter à « la barre », c’est-à-dire face au Tribunal qui siègera face à vous ; pas besoin de vous vêtir d’une façon particulière, en costume ou avec vos plus beaux habits mais soyez surtout présentable car l’image qu’on donne peut parfois compter aussi.

Il vous faut savoir que le président du Tribunal assure la police de l’audience et la direction des débats, il pourra donc demander à quelqu’un qui assiste à l’audience de se taire, pourra le faire expulser de l’audience par la force publique ou même le faire immédiatement placer sous mandat de dépôt en cas de « tumulte » et ceci vaudra aussi pour vous ; on vous recommandera donc de respecter les règles, de parler lorsque ce sera votre tour, sans excès, sachant que si vous êtes expulsé de l’audience, vous resterez gardé par la force publique jusqu’au prononcé du jugement.

Votre identité sera vérifiée : n’oubliez donc pas une pièce d’identité mais aussi les justificatifs de votre situation financière, professionnelle et familiale (idéalement avec des copies afin de ne pas devoir vous séparer des originaux) car ils vous seront sans doute utiles au moment de justifier de votre situation.

Il sera vérifié que vous savez comprendre la langue française, pour s’assurer que vous n’avez pas besoin d’interprète, et le président vous rappellera que vous avez le droit de garder le silence, de faire des déclarations spontanées ou de répondre aux questions qui vous seront posées.

Le Tribunal procèdera à une instruction du dossier, vous posera ses questions, pourra en poser à la partie civile s’il y en a une, ainsi qu’aux témoins car il arrive que le Procureur de la République ou l’une des parties au procès en ait fait convoquer.

Attention à ce que vous direz : le greffier (qui se tient généralement à votre droite dans la salle lorsque vous faites face au Tribunal) tient note du déroulement des débats et principalement, sous la direction du président, des déclarations des témoins ainsi que de vos réponses.

Les débats auront pour objet de passer en revue les faits, de vous interroger sur ceux-ci et peut-être aussi d’essayer de vous faire réagir ; puis, il sera évoqué votre personnalité et là, les justificatifs évoqués plus haut vous seront sans doute utiles et seront ainsi communiqués aux différentes parties pour qu’elles en prennent connaissance.

Une fois que le président de l’audience estimera que les débats auront été suffisants, il viendra les clore et donnera alors la parole à la partie civile s’il y en a une ; celle-ci n’aura pas pour objectif de réclamer une sanction pénale car ce sera le rôle du Procureur mais elle présentera peut-être des demandes d’indemnisation.

Puis, ce sera au tour du Procureur de la République (généralement à votre gauche) qui se lèvera pour requérir une peine après l’exposé des raisons pour lesquelles il estime que votre culpabilité est établie ; le Procureur peut évidemment requérir une relaxe (c’est à dire une demande visant à ce que vous ne soyez pas condamné) si les débats viennent démontrer que vous n’avez pas commis l’infraction qui vous est reprochée ou qu’il y a un doute à ce sujet.

Une fois que le Procureur aura requis, ce sera alors votre tour car vous aurez raisonnablement écouté les interventions qui précèdent la vôtre, sans les commenter ni les interrompre au risque d’être immédiatement rappelé à l’ordre par le président de l’audience ; sachez que le Procureur et la partie civile auront le droit de répliquer à ce que vous direz mais vous aurez toujours la parole en dernier.

Vous aurez alors la possibilité de vous exprimer librement, mais vous le ferez sans excès et vous essayerez de respecter les autres parties ; le Tribunal vous autorisera à lui remettre tous les éléments que vous voudrez mais n’oubliez pas de les remettre auparavant au Procureur, ce qui n’est pas toujours chose facile dans le déroulé de l’audience.

Une fois que vous vous serez exprimé, le jugement sera rendu soit à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats, soit à une date ultérieure mais dans ce dernier cas, le président devra préciser le jour où il sera prononcé.

Si le Tribunal estime qu’il est insuffisamment informé, il pourra ordonner un supplément d’enquête et renvoyer l’affaire à une audience ultérieure et s’il estime qu’il y a délit, il prononcera alors la peine et statuera sur les demandes de la partie civile, s’il y en a une, avec faculté pour lui de renvoyer l’affaire à une autre audience pour discuter des dommages et intérêts, à charge pour vous de vous y présenter à nouveau.

Dans les cas les plus graves, le Tribunal pourra prononcer un « mandat de dépôt », c’est-à-dire vous faire arrêter à l’issue de l’audience pour vous conduire directement en détention.

A l’inverse, si le Tribunal estime que le fait pour lequel vous êtes poursuivi ne constitue aucune infraction à la loi pénale ou que le fait n’est pas établi, ou encore qu’il ne vous est pas imputable, il vous « renverra des fins de la poursuite », ce que l’on qualifie aussi de « relaxe », c’est-à-dire que vous ne serez pas condamné ; il faut savoir que la Justice en France a parmi ses principes essentiels celui de considérer que le doute doit profiter à celui qui est poursuivi.

Certes, il y a encore des tas de choses à dire en la matière, mais ce qu’il faut retenir est surtout qu’une comparution devant un Tribunal correctionnel n’est pas une chose anodine et qu’il vous faut préparer cette échéance sérieusement.

Finalement, la meilleure recommandation qu’on pourra vous donner est évidemment de consulter un Avocat.